Le marché de l’immobilier est sous pression. D’un côté, les acheteurs ont de plus en plus de mal à emprunter, les taux de crédit ayant été multipliés par trois ; de l’autre, les vendeurs jouent l’attentisme sous la double contrainte de la baisse des prix et de la rénovation énergétique. En outre, le plan Logement annoncé par le gouvernement le 5 juin dernier, porteur d’espoir dans ce contexte morose, est loin d’apporter les réponses adéquates. Analyse avec Nicolas von Nagel, cofondateur de Citévo.

Un Plan Logement contre-productif

« Quand l’immobilier va, tout va », affirme la célèbre maxime. Mais le contraire semble tout aussi vrai… Depuis quelques mois, le retournement du marché est en bonne voie. « Nous assistons à la conjonction historique de plusieurs facteurs négatifs qui limitent le nombre de logements disponibles à la vente comme à la location », analyse Nicolas von Nagel, cofondateur de Citévo. Le marché est grippé. Pour tenter de relancer le secteur du résidentiel et faciliter l’accès à la propriété et à la location, le gouvernement a dévoilé son Plan Logement. Il devait s’appuyer sur les travaux du Conseil National de la refondation qui réunissait tout le spectre du métier, de Nexity à la Fondation Abbé Pierre, mais n’en a rien fait. A titre d’exemple, le prêt à taux zéro (PTZ) est prolongé jusqu’à fin 2027, mais sous une forme plus restrictive. Il n’est plus accessible pour les maisons individuelles en zone tendue. Ce qui dessert les primo-accédants, désolvabilisés par cette mesure. L’accès à la propriété se restreint pour eux. » Autre mesure phare du Plan Logement, la disparition du dispositif Pinel qui favorisait l’investissement locatif neuf. Il prendra fin le 31 décembre prochain. « Cette décision est une hérésie. C’est la première fois depuis 40 ans qu’il n’y a plus de dispositif d’incitation fiscale en France. C’est un très mauvais signal pour les constructeurs et les investisseurs. D’autant que le Pinel contribue à fournir des logements neufs, répondant aux meilleures normes environnementales, aux locataires dans des conditions financières attractives puisque les loyers sont plafonnés. »

Erreur d’appréciation

« Le gouvernement commet une erreur d’appréciation sur le logement. Il pense que les différents dispositifs d’aides coûtent trop cher à l’État. Mais ce n’est pas le cas. Les rentrées d’argent liées à l’immobilier sont bien supérieures aux dépenses de soutien engagées par le pays : 90 milliards d’euros d’un côté, contre 38 de l’autre. Il faut donc continuer à encourager le secteur qui est très fécond pour la collectivité. » La volonté du gouvernement de faire baisser les prix de l’immobilier pour redonner du pouvoir d’achat aux Français se heurte cependant à la réalité du marché. Avec le risque que ces mesures soient contre-productives. « Sur le locatif, le marché est grippé pour le moment. Airbnb fait très mal face à la location en non-meublée. Même les bailleurs sociaux souffrent dans leur financement, indexé sur le taux du Livret A. N’oublions pas que 50% du social provient du secteur privé. Si les constructions ne sortent pas de terre, le social va en subir les conséquences avec l’accentuation de la pénurie de logements. »

Les manquements de la rénovation énergétique

D’ores et déjà, certains professionnels de l’immobilier souffrent fortement. Le taux de faillite chez les constructeurs de maison est très important. Même tendance pour les agents immobiliers, les courtiers, les promoteurs et les marchands de biens. « Les notaires dont le business model est fondé sur l’immobilier sont également touchés. Ce retournement de marché, violent, ne sera pas compensé par la vague de la rénovation énergétique. Elle devait permettre au secteur de rebondir mais ne tient pas ses promesses. Actuellement, les aides, absconses, sont construites de manière à être intégrées dans le crédit immobilier. Les travaux ne se font qu’au moment de la vente. Cela ne répond donc pas au besoin d’un propriétaire déjà endetté qui hésitera d’autant plus à se lancer qu’il devra passer par une entreprise labellisée RGE, au coût plus élevé, pour bénéficier d’une aide. Il est facile d’en tirer la conclusion que la chute vertigineuse du nombre de transactions va se traduire par celle du nombre de maisons rénovées. Difficile dans ces conditions d’atteindre les objectifs globaux liées à la décarbonation. En la matière, le cercle vicieux est bien enclenché. »

Un atterrissage en douceur

Dans un tel contexte, cette crise ne prendra pas fin avant 2025, sauf décision forte prise dans l’intervalle. « Il est difficile de se prononcer plus précisément. Cependant, on le voit, les décisions du gouvernement sont trop homéopathiques pour avoir un impact durable. Elles ne compenseront pas la perte d’acquéreurs. A court terme, il y aura plus de mal logés qu’avant. Je pense néanmoins que le marché va se réadapter doucement sur la base de la stabilisation de l’augmentation des taux d’intérêt et de l’inflation que nous observons actuellement. De son côté, Citévo demeure un partenaire fiable des agents immobiliers en continuant d’acheter des biens. Grâce à la Division foncière, nous contribuons à rapprocher vendeurs et acheteurs, à recréer des terrains à bâtir pour les constructeurs, etc. Nous faisons partie de la solution en œuvrant avec la filière pour sortir de ce marasme. » Article connexe : Évolutions du marché immobilier – quelles solutions pour acheter un bien aujourd’hui 

Chiffres clés du marché immobilier

(2023 – Observatoire Crédit Logement)
  • 3,28% : taux moyen des crédits immobiliers aux particuliers (mai)
  • 250 mois : durée moyenne des prêts immobiliers
  • – 38,2% : baisse de la production des crédits
  • 83 K€ : montant moyen qu’un ménage peut emprunter en mai 2023 (contre 100 K€ fin 2021)
Sources :