À partir du 1er janvier 2025, les propriétaires de passoires thermiques classées G ne pourront plus les louer. Une réglementation drastique destinée à réduire les émissions de CO2 des logements. Si l’intention écologique est louable, elle a cependant déclenché une cascade d’effets pervers qui grippent aujourd’hui le parcours résidentiel. Dès lors, quelles solutions envisager ?

Décryptage avec Nicolas von Nagel, co-fondateur de Citévo.

 

La nécessaire décarbonation du logement

Passée dans le langage courant, l’expression « passoires thermiques » désigne ces habitations dont les performances énergétiques sont mauvaises. « Aujourd’hui, ces logements sont répertoriés sous une étiquette énergie-climat F ou G, précise Nicolas von Nagel, co-fondateur de Citévo. Ils sont aussi des passoires économiques puisque les chauffer coûte très cher. En exagérant, on pourrait presque dire que l’extérieur de la maison est davantage chauffé que l’intérieur. On dénombre aujourd’hui plus de 5,2 millions de passoires thermiques en France, soit 17% du parc. Concrètement, un logement classé G génère trop de gaz à effet de serre en consommant, en moyenne, plus de 450 kWh/m2/an. Ce qui explique aussi, avec le renchérissement du coût de l’énergie, que de nombreux Français soient en précarité énergétique. Il y a donc urgence à traiter le problème. Le législateur s’en est d’ailleurs emparé. La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 prévoit ainsi d’éradiquer ces logements trop énergivores, d’ici 2034, en incitant les propriétaires à rénover énergétiquement leurs logements. »

Passoires thermiques : une législation contre-productive

Un véritable défi face au nombre d’habitations concernées, à la durée moyenne des chantiers, à leur coût et au calendrier légal imposé. Car des sanctions sont prévues pour les propriétaires récalcitrants : ils ne pourront plus louer leur bien, qu’il s’agisse d’un appartement ou d’une maison. « Les logements classés G seront concernés dès le 1er janvier 2025. Suivront les étiquettes F, en 2028, puis les E, en 2034, détaille Nicolas von Nagel. Ce calendrier est ambitieux, trop, peut-être, car les propriétaires bailleurs font face à une injonction des pouvoirs publics à laquelle ils n’ont pas tous les moyens de répondre. Ces derniers sont ainsi contraints d’arbitrer : vendre leur bien à défaut de pouvoir le rénover et donc sortir de nombreux logements du marché locatif. » On estime ainsi que 30% de la surface totale locative a disparu. Avec un premier effet pervers : le manque de biens met ce marché en forte tension, en excluant de nombreuses personnes, à commencer par les étudiants. « Deuxième effet pervers, avec l’augmentation des taux d’intérêt (plus de 4% actuellement sur 20 ans), de moins en moins de locataires ont la possibilité d’accéder à la propriété ; quant aux propriétaires d’un 3-pièces, par exemple, l’augmentation des mensualités engendrée par la hausse des taux les empêche d’acheter plus grand. D’un bout à l’autre de la chaîne, le parcours résidentiel est bloqué. Troisième effet pervers, cette baisse phénoménale des transactions (-15 % sur un an selon la FNAIM) entraîne mécaniquement celle des rénovations de logements puisque c’est principalement à l’occasion de l’achat que ces travaux sont réalisés. Dans la conjoncture actuelle, la chute des transactions, provoquée par la législation sur les passoires thermiques, est donc un frein puissant à l’éradication de ces logements trop énergivores. »

Rendre rentable la transition énergétique des passoires thermiques

Face à ce hiatus, quelles solutions envisager ? « Côté vendeurs, de nombreux propriétaires bailleurs vont retirer leurs biens du marché, le montant des travaux à réaliser étant prohibitif, quitte à les garder vides. D’autres décideront de vendre sans améliorer la performance énergétique du logement. Des opportunités sont envisageables, côté acheteur, puisqu’une passoire thermique, classée F ou G, donnera lieu à de fortes négociations sur le prix, pour tenir compte des investissements à réaliser. Mais, là encore, aucune certitude que les travaux d’isolation ou de changement de chaudière soient entrepris.

La transition écologique risque donc d’être la grande perdante de ce retournement de marché.

Il faudrait que la charge des travaux pèse sur l’acheteur, qu’il soit obligé d’entreprendre les travaux et soit contrôlé à l’issue via un diagnostic post-acquisition. Une seule réponse semble donc pertinente : il faut rendre la transition énergétique rentable si on veut la massifier. Les pouvoirs publics devraient réfléchir à une incitation fiscale forte, un mécanisme permettant d’amplifier la performance énergétique des logements pour que les propriétaires agissent en visant l’étiquette C ou B voire A. Ne nous voilons pas la face, seul l’intérêt économique boostera l’éradication massive des passoires thermiques et, au-delà, la baisse drastique des émissions de CO2. Les solutions existent, aux pouvoirs publics d’agir. »